Le Maroc a adopté, voici plusieurs années, des mesures fiscales très favorables aux personnes physiques étrangères souhaitant y vivre leur retraite tout en profitant des nombreux attraits qu’offre notre pays. Cet avantage s’ajoute à celui que l’article 60-I du code général des impôts (C.G.I.) a institué pour tous les retraités. Ces derniers bénéficient d’un abattement exceptionnel lors de la détermination de la base imposable. Il est de 55% sur le montant brut annuel qui ne dépasserait pas MAD 168 000 et de 40% sur la partie dépassant ce dernier montant. Ce « cadeau fiscal » a encore été bonifié par les dispositions de la loi de finances pour l’année 2015.
L’article 76 du C.G.I. prévoit, en plus, une réduction d’impôt de 80% sur le montant de la retraite étrangère que le bénéficiaire vire définitivement sur un compte en Dirhams non convertibles souscrit auprès d’une banque marocaine agréée. Cette condition est absolument impérative et l’administration fiscale doit recevoir les preuves écrites (documents bancaires originaux) que les fonds ont été virés sans possibilité de retansfert.
Avant nos commentaires sur cette mesure, illustrons-la par un petit exemple :
Prenons le cas d’un retraité français qui décide de profiter de cette mesure. Il procède au virement de la totalité de sa retraite dans les conditions visées par la loi, soit un montant de MAD 750 000, après conversion de l’euro.
La base imposable est déterminée comme suit, compte tenu des dispositions légales en vigueur :
. 1er abattement : 168 000 x 55% = 92 400
. 2ème abattement : (750 000 – 168 000) x 40% = 232 800
. Abattement total : 92 400 + 232 800 = 325 200
. Base imposable : 750 000 – 325 200 = 424 800
. Impôt sur le revenu avant réduction (selon le barème en vigueur) : MAD 158 223
. Impôt sur le revenu à payer après la réduction de 80% : MAD 31 645
. Taux effectif global d’imposition de la retraite étrangère (31 645 / 750 000) : 4,2%
Dans la pratique et habituellement, un taux d’imposition pourrait être considéré comme « paradisiaque » lorsqu’il est inférieur à 10% ce qui nous permet, dans ce cas, de valider amplement le titre de cette publication.
Par ailleurs, il est important de souligner le fait que lesdits retraités auraient été autrement plus taxés s’ils avaient décidé de demeurer dans leur pays d’origine.
Selon le barème de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (I.R.P.P.) en vigueur en France en 2015, l’impôt payé par ce retraité aurait été de l’ordre de 23 000 euros, soit environ MAD 250 000. En décidant de se prévaloir des mesures incitatives de notre droit fiscal, le retraité français réalise une économie d’impôt substantielle, de l’ordre de MAD 220 000. Ce montant doit être multiplié par le nombre d’années durant lesquelles il maintient sa résidence fiscale au Maroc et y vire le montant de sa retraite.
Au-delà de ce constat chiffré très révélateur, analysons cette mesure à travers les critères liés à la politique fiscale que le Maroc a souhaité mettre en place. Rappelons que lorsqu’un État décide d’utiliser le rôle incitatif de l’impôt, il consent une « dépense fiscale » qui devrait lui permettre de réaliser un « retour sur investissement ». Le Maroc a encouragé des personnes physiques étrangères à vivre leur retraite dans notre pays, avec toutes les incidences économiques directes que cela devrait engendrer, notamment en matière d’acquisitions immobilières et de consommation d’autres biens et services.
Par exemple, dans notre cas, le retraité français devrait consommer au Maroc le montant relatif à l’économie d’impôt réalisée. Il pourrait, par exemple, acquérir un appartement ou placer ses économies sur le marché boursier.
L’impact de la mesure devrait être évalué compte tenu du volume global de cette consommation, tous biens et services confondus. Il serait positif si ce volume dépasse le montant de la dépense fiscale consentie et cet excédent servirait à compenser le caractère forcément inéquitable d’une réduction fiscale réservée à une catégorie de contribuables. Cela pourrait se faire, malgré la complexité du processus, par le rôle que devrait tenir l’impôt dans la redistribution des revenus.
Dans le cas contraire, la mesure incitative n’aurait pas produit l’effet escompté ce qui la rendrait, en fait, totalement inutile et inéquitable.
Nous ne disposons d’aucune information qui nous permettrait d’apprécier ce dernier point mais il faut espérer que le maintien de cette réduction fiscale préjuge de son efficacité.
Dans cette heureuse hypothèse, le Maroc devrait multiplier ces mesures fiscales susceptibles de développer la situation de « hub régional » qu’il s’efforce d’adopter depuis plusieurs années.