Loi de finances pour l’année budgétaire 2018
Voici les principales mesures fiscales contenues dans la loi de finances pour l’année budgétaire 2018. Ces nouvelles dispositions sont présentées par catégories d’impôt ou de taxe, avec nos commentaires qui permettront une meilleure compréhension. Celles qui n’ont pas un impact direct sur la gestion fiscale de l’entreprise ne figurent pas dans ces développements.
1 Impôt sur les sociétés
– Barème progressif d’imposition
Cette mesure est très attendue car l’ensemble des opérateurs avaient exprimé leur surprise par l’institution d’un nouveau barème de l’impôt sur les sociétés lors de l’adoption de la loi de finances pour l’année budgétaire 2017.
Nous vous rappelons que la progressivité des taux de l’impôt sur les sociétés n’est acquise que lorsque chaque tranche de bénéfice fiscale désignée est imposée au taux qui lui est attribué.
Cet objectif n’avait pas été atteint car le barème avait institué une proportionnalité de l’impôt, les bénéfices étant soumis à un taux supérieur selon leur importance.
Voici le nouveau barème progressif :
Montant du bénéfice net Taux
Inférieur ou égal à 300 000 DH 10%
De 300 001 à 1 000 000 DH 20%
Au-delà de 1 000 000 DH 31%
Il est évident que ce nouveau mode de calcul de l’impôt sur les sociétés permettra aux contribuables concernés d’alléger de manière considérable leur charge fiscale. Sont concernés, notamment, ceux qui réalisent un bénéfice net qui ne dépasse pas 1000 000 DH.
Ces allègements ne sont pas applicables aux bénéfices réalisés par les établissements de crédit et organismes assimilés, Bank Al Maghrib, la Caisse de dépôt et de gestion ainsi que les sociétés d’assurances et de réassurance qui demeurent soumis au taux fixe majoré de 37%.
Le barème progressif d’imposition est applicable aux bénéfices réalisés au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018.
– Régime fiscal d’opérations réalisées lors de fusion ou de scission de sociétés
. Modification du mode d’imposition des plus-values constatées sur des éléments non amortissables
Rappelons que les dispositions du C.G.I. prévoyaient un régime exceptionnel permettant de différer l’imposition de ces plus-values jusqu’à leur retrait de l’actif de la société absorbante ou née de la scission.
De nouvelles dispositions remplacent l’imposition différée par un « sursis de versement de l’impôt » relatif aux plus-values qui consiste en l’obligation de verser spontanément, au titre de l’exercice de cession des biens concernés, l’impôt correspondant aux plus-values ayant initialement bénéficié d’un sursis d’imposition.
. Report du déficit fiscal cumulé par les sociétés absorbantes
Les dispositions en vigueur avant l’adoption des nouvelles mesures prévoyaient que les déficits cumulés des sociétés absorbantes, figurant dans leur déclaration du dernier exercice précédant la fusion ou la scission, ne sont pas reportables sur les bénéfices des exercices suivants. Ce report est à présent possible.
Cette disposition observe une certaine logique qui consiste à permettre de prendre en considération les opérations d’investissements réalisées avant restructuration par les sociétés absorbées.
– Exonération des fédérations et associations sportives reconnues d’utilité publique
Il s’agit précisément de l’extension de l’exonération dont ces organismes bénéficiaient. Avant les nouvelles mesures, l’exonération de l’impôt sur les sociétés s’appliquait uniquement sur les opérations comprises dans leur objet, conformément à leur statut.
Afin de leur faciliter leur mission de développement du sport aux plans national et international, l’exonération est étendue à toutes les opérations de vente et de prestations de services réalisées par ces organismes directement ou par l’intermédiaire d’établissements leur appartenant.
2 Impôt sur le revenu
– Clarification du régime fiscal des opérations de transfert des cotisations ou primes de contrats d’assurance retraite complémentaire d’un organisme à un autre
Le transfert pouvait être assimilé à une opération de rachat imposable. Il est dorénavant possible à condition qu’il concerne la totalité des cotisation ou primes. Le transfert partiel demeure imposable.
– Extension de l’exonération des indemnités versées au salarié en cas de licenciement abusif
Avant l’adoption de nouvelles dispositions, seule était exonérée l’indemnité légale et celle versée pour dommages et intérêts dont le montant est fixé par les tribunaux.
Dorénavant, seront également exonérées de l’impôt sur le revenu les indemnités versées après une conciliation. L’accord doit être visé par l’inspecteur du travail.
– Amélioration des mesures fiscales incitatives du programme « TAHFIZ »
Rappelons que ce programme permet aux entreprises de recruter jusqu’à cinq (5) salariés en bénéficiant d’une exonération totale de l’impôt sur le revenu jusqu’à hauteur de 10 000 DH par mois, durant une période de 24 mois à compter de la date du recrutement.
Les dispositions instituées par la loi de finances 2018 permettront aux entreprises, ainsi qu’à d’autres établissements, comme les associations et les coopératives, créées durant la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2022, de recruter jusqu’à dix (10) salariés dans les mêmes conditions fiscales avantageuses.
Par ailleurs, la période de vingt-quatre (24) sera prise en considération à compter de la date du début d’exploitation (première opération d’approvisionnement en matières premières et de prestations de service fournies, à l’exclusion des frais de constitution des sociétés) et non plus de celle de la création de l’entreprise. Ceci permettra aux contribuables visés de bénéficier pleinement de l’avantage fiscal.
– Prolongation du délai d’application du taux fixe de 20% aux salaires versés aux employés des sociétés ayant le statut « Casablanca Finance City »
Ce délai passe de cinq (5) à dix (10) ans. L’avantage est aussi octroyé aux salariés recrutés avant le 1er janvier 2018 si la période de cinq (5) n’a pas encore expiré.
– Extension de la neutralité fiscale aux opérations d’apport de biens immeubles et autres droits réels immobiliers
Ces opérations concernent les apports effectués par les contribuables personnes physiques, de leur patrimoine privé à celui de leur société. La neutralité fiscale était applicable, sous certaines conditions, aux opérations réalisées par les organismes de placement collectif immobilier (O.P.C.I.).
Peuvent en bénéficier tous les contribuables à compter du 1er janvier 2018.
Une telle mesure ne manquera pas de dynamiser le secteur de l’immobilier tout en améliorant la transparence dans les transactions.
La cession par la personne physique des titres distribués après l’apport ou le non-respect des conditions relatives à l’apport entraînerait une imposition au titre de l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus fonciers ou celle des valeurs mobilières.
- Taxe sur la valeur ajoutée
– Option pour l’assujettissement des opérations de location de locaux non équipés destinés à usage professionnel
Ces opérations étaient situées hors champ d’application de la T.V.A. avant le 1er janvier 2018. Désormais, les bailleurs pourront opter pour cette taxe de manière irrévocable.
L’intérêt de l’option réside principalement dans la possibilité de récupérer la taxe payée par les bailleurs en amont et dans l’harmonisation de la fiscalité marocaine avec celle des autres pays.
– Remboursement du crédit de taxe en faveur des entreprises de dessalement d’eau de mer
Cette mesure incitative sera comprise dans les mêmes conditions que les entreprises exonérées avec droit à déduction qui déposent des dossiers de remboursements de la T.V.A., notamment les entreprises exportatrices.
– Exonération de la T.V.A. sur les intrants de l’activité aquacole
L’exonération concerne les aliments destinés à l’alimentation des poissons et des autres animaux de l’aquaculture, les alevins de poissons et les larves des autres animaux de l’aquaculture ainsi que les naissains de coquillages.
– Exonération de certaines institutions caritatives et sanitaires
Sont concernés par l’exonération les biens, matériels, marchandises, services acquis ainsi que les opérations et prestations réalisées à l’intérieur et les biens, matériels, marchandises et services importés par la « Fondation Mohamed V » et « l’Institut de Recherche sur le Cancer ».
– Exonération des fédérations sportives reconnues d’utilité publique
Cette mesure complète celle qui a été instituée en matière d’impôt sur les sociétés
- Droits d’enregistrement
– Encouragement à la constitution et à l’augmentation du capital social
Les dispositions de la loi de finances 2018 ont institué une exonération des droits d’enregistrement lors des opérations de constitution et d’augmentations du capital social des sociétés et groupements d’intérêt économique (G.I.E.) réalisées par apports en numéraire à titre pur et simple, par incorporation de créances en compte courant d’associés ou par incorporation de bénéfices ou de réserves.
Sont également exonérées les opérations de constitution de capital des sociétés ou des groupements d’intérêt économique réalisés par apports en nature, à titre pur et simple, évalués par un commissaire aux apports.
– Exonération des actes d’acquisition de terrains nus destinés à la construction d’établissements hôteliers
– Exonération des opérations de cession d’actions et parts sociales
– Réaménagement des droits applicables aux ventes immobilières « en l’état futur d’achèvement »
Avant l’adoption de la loi de finances 2018, les opérations suivantes étaient assujetties à un droit d’enregistrement fixe de 200 DH :
. Le contrat de réservation (attribution) ;
. Le contrat préliminaire de vente ;
. Les actes constatant les versements (acomptes).
Ces opérations autres seront également assujetties au droit fixe de 200 DH à compter du 1er janvier 2018 :
. Les actes constatant résiliation du contrat de réservation ;
. Les actes constatant résiliation du contrat préliminaire de vente ;
. Les actes constatant libération des versements restitués en cas de résiliation du contrat de réservation ;
. Les actes constatant libération des versements restitués en cas de résiliation du contrat préliminaire de vente.
- Mesures communes à tous les contribuables
– Réduction d’impôt en faveur des entreprises qui prennent des participations dans le capital des jeunes entreprises innovantes en matière de nouvelles technologies
La réduction d’impôt octroyée est égale au montant de l’impôt théorique (IS-IR) correspondant au montant de la prise de participation engagée dans le capital desdites entreprises.
Le montant de la participation ouvrant droit à la réduction d’impôt est plafonné à deux cent mille (200 000) dirhams par jeune entreprise innovante en nouvelles technologies. Le montant global de la réduction d’impôt ne doit pas dépasser 30% du montant de l’impôt dû au titre de l’exercice de prise de participation.
On entend au sens de la loi par jeune entreprise innovante, toute société dont :
. La création date de moins de cinq (5) ans à la date de la prise de participation;
. Le chiffre d’affaires au titre des quatre derniers exercices clos est inférieur à cinq millions
(5.000.000) de dirhams par an, hors taxe sur la valeur ajoutée;
. Les charges de recherche et développement, engagées dans le cadre de ses activités d’innovation, représentent au moins 30% des charges admises en déduction de son résultat fiscal.
– Encouragement du secteur de l’animation touristique
Les mêmes avantages fiscaux accordés au secteur de l’hôtellerie sont octroyés aux entreprises du secteur de l’animation touristique, à savoir une exonération totale d’IS ou d’IR pendant une période de cinq (5) ans consécutifs qui court à compter de l’exercice au cours duquel la première opération en devises a été réalisée et l’application, au-delà de cette période, du taux réduit de 17,50% de l’IS ou du taux réduit de 20% de l’IR.
La liste des entreprises concernées sera fixée par voie règlementaire.
– Institution de l’obligation de joindre à la déclaration annuelle de résultat fiscal, un état des ventes par client professionnel
Cette mesure est applicable à compter du 1er janvier 2019.
– Institution d’un cadre fiscal régissant la cessation temporaire d’activité des entreprises
Les entreprises concernées (soumises à l’IS ou l’IR) peuvent souscrire une déclaration de cessation temporaire d’activité selon un modèle établi par l’administration, indiquant notamment les motifs justifiant cette décision.
La déclaration doit être déposée dans le mois qui suit la date de clôture du dernier exercice de leur activité et doit préciser la durée de la cession temporaire (un ou deux exercices, conformément à la loi).
Elles n’auront plus l’obligation de payer la cotisation minimale mais devront déposer leur déclaration annuelle de résultat fiscal.
– Simplification de la procédure de déclaration du transfert du siège social, de changement de domicile fiscal ou du principal établissement
– Obligation d’utiliser des logiciels de facturation
Cette mesure ne prend effet qu’à compter du 1er janvier 2019. Ceci permettra aux entreprises concernées de se préparer à des obligations aussi contraignantes.
– Obligations liées à la tenue, la conservation et la présentation de la comptabilité sous format électronique
– Clarification des irrégularités graves de nature à remettre en cause la valeur probante de la comptabilité
Ces précisions sont extrêmement importantes afin d’éviter toute interprétation.
Les irrégularités citées par la loi doivent nécessairement :
. Entraîner une insuffisance de chiffre d’affaires ou de résultat imposable ;
. Ou ne pas permettre à la comptabilité présentée de justifier les résultats déclarés.
– Mesures visant à mettre en œuvre les engagements découlant des conventions fiscales internationales
Ces mesures concernent l’échange automatique d’information à des fins fiscales. Elles instituent l’obligation qui incombe à certains organismes de communiquer des informations à l’administration fiscale.
Il s’agit des organismes suivants :
. Établissements de crédit et organismes assimilés ;
. Entreprises d’assurances et de réassurance ;
. Toutes autres institutions financières.
Ils sont tenus de communiquer les informations suivantes à l’administration fiscale, à sa demande :
. Les revenus de capitaux mobiliers ;
. Les soldes des comptes ouverts auprès desdits organismes ;
. La valeur de rachat des bons et les contrats de capitalisation et placements de même nature ;
. Tout autre revenu pour lequel des informations doivent être communiquées, conformément aux conventions précitées.
D’autre part, les informations recueillies par l’administration fiscale auprès de ces organismes peuvent être communiquées aux administrations fiscales des pays ayant conclu avec le Maroc des conventions permettant un échange automatique d’informations à des fins fiscales.
- Prescription anticipée
La loi de finances pour l’année 2018 propose aux personnes de nationalité étrangère ayant leur domicile fiscal au Maroc une prescription anticipée des infractions qu’elles auraient commises en ne se conformant pas à certaines dispositions de la législation fiscale marocaine.
Compte tenu de l’importance de ces mesures, il est très souhaitable d’en approfondir le contenu :
– Personnes concernées
Il est clairement précisé dans la loi que ces dispositions concernent les personnes de nationalité étrangère ayant leur domicile fiscal au Maroc.
À ce titre, il est important de souligner qu’une personne étrangère peut avoir sa résidence au Maroc, au sens de la législation relative à l’immigration (titulaire d’une carte d’immatriculation d’étranger) sans y avoir son domicile fiscal. Nous rappelons que cette dernière notion fait l’objet d’une définition précise dans le droit interne et le droit international. Il est nécessaire, de ce fait, que la personne de nationalité étrangère concernée se réfère à la convention fiscale que son pays d’origine aurait conclu avec le Maroc en vue d’éviter la double imposition.
Lorsque la personne dispose de son domicile fiscal au Maroc, elle doit y déclarer l’ensemble de ses revenus (principe du revenu mondial). Elle serait donc éligible à la prescription anticipée.
– Revenus concernés
Sont visés par la loi « les revenus, et profits générés par les avoirs et liquidités détenus à l’étranger sous forme de biens immeubles, d’actifs financiers et de valeurs mobilières et autres titres de capital et de créances ainsi que les avoirs liquides déposés dans des comptes ouverts auprès d’organismes financiers, d’organismes de crédit ou de banques situés à l’étranger ».
Nous remarquons que la loi a cité les revenus immobiliers. Or, à notre connaissance, selon les principes du droit international, comme l’indiquent les dispositions de toutes les conventions fiscales, les revenus immobiliers sont imposables uniquement dans le lieu de situation de l’immeuble.
– Période visée
La prescription anticipée concerne uniquement les revenus de l’année 2016 non déclarés par la personne étrangère ayant son domicile fiscal au Maroc.
Habituellement, de telles contributions couvrent les périodes non prescrites, soit quatre années.
Cette période annuelle s’explique par le caractère très exceptionnel de la mesure et, très probablement, s’inscrit comme une nouvelle démarche visant à sensibiliser les personnes concernées.
– Montant de la contribution
Les personnes qui souscriront auront à acquitter, totalement et spontanément, une contribution fixe forfaitaire de 10% sur les revenus non déclarés.
– Modalité de paiement
Le montant de la contribution doit être versé auprès du receveur de l’administration fiscale du lieu de leur domicile fiscal ou du principal établissement sur la base d’un bordereau-avis de versement, établi en trois exemplaires selon un imprimé modèle de l’administration daté et signé et indiquant :
.Les nom, prénom et adresse du domicile fiscal du contribuable ou le lieu de situation de son principal établissement ;
. Le numéro d’identification fiscale, le cas échéant;
. La base de calcul de la contribution libératoire ;
. Le montant de la contribution versée.
– Conséquence d’une absence de prescription
Les personnes étrangères ayant leur domicile fiscal au Maroc et ayant perçu des revenus imposables au Maroc s’exposeraient, en l’absence de souscription à une vérification suivie d’une imposition en principal, majorations, amendes et pénalités, selon les barèmes en vigueur.
Ces démarches seraient facilitées par les dispositions relatives aux échanges automatiques d’information (voir ci-dessus).