Cette décision est proposée par le projet de loi de finances pour l’année budgétaire 2017.
Cette mesure n’a pas été citée dans une récente publication concernant ce projet de loi car nous avons jugé que son importance mérite largement un article dédié.
Rappelons, tout d’abord le contexte général et la législation en vigueur :
1. L’état de la législation en la matière
Les entreprises qui font l’acquisition de voitures de tourisme dont l’usage est destiné à des opérations de location sans chauffeur peuvent procéder à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente, contrairement aux assujettis qui acquièrent ces mêmes véhicules pour leur propre usage. Ces derniers sont privés de la déduction, conformément aux dispositions de l’article 106-3° du code générale des impôts (C.G.I.), relatives à l’exclusion au droit à la déduction.
Ces mêmes entreprises ont réussi à se prévaloir des dispositions de l’article 92-6° du C.G.I. instituant une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée avec droit à déduction. Cette mesure concerne les biens d’investissement à inscrire dans un compte d’immobilisation et ouvrant droit à la déduction, acquis par les entreprises assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, pendant une durée de trente six mois à compter du début de l’activité.
Incontestablement, les véhicules achetés par les entreprises de location sans chauffeur font l’objet d’un tel traitement comptable et, de ce fait, deviennent éligibles à l’exonération.
Cet avantage fiscal est soumis à des mesures d’ordre réglementaire spécifiques. Plus précisément, l’entreprise de location de véhicules doit obtenir une attestation d’exonération délivrée par les services de l’administration fiscale et la remettre au concessionnaire automobile fournisseur des véhicules en question.
2. Le contexte
Certaines entreprises, de plus en plus nombreuses selon les chiffres annoncés par la presse spécialisée, utilisent cet avantage fiscal dans un but autre que celui qui est prévu par les lois et règlements en vigueur. Elles se sont « spécialisées » dans l’acquisition de véhicules de tourisme de luxe et leur revente en l’état à des prix concurrentiels puisqu’ils peuvent bénéficier, à l’achat, d’un « rabais » de 20% correspondant au taux de la taxe sur la valeur ajoutée dont ils ont été légalement exonérés.
Si l’on prend un exemple chiffré, sur un prix T.T.C. de 1 200 000 DH, ce « rabais » atteindrait le montant confortable de 200 000 DH. Vous conviendrez qu’il s’agit là d’un excellent argument de vente !
Ainsi, ces entreprises ont procédé à un véritable détournement illégal de leur activité principale en concurrençant directement les concessionnaires automobiles. Elles « pullulent » selon la presse car, sans doute, l’affaire est particulièrement juteuse !
Quant au délai de trente six mois institué par l’article 92-6° du C.G.I., il suffit de créer une entreprise nouvelle et le tour est joué !
C’est d’ailleurs, très probablement en raison de ce dernier stratagème qu’il y a des entreprises de location de voitures à tous les coins de rues !
Mais ne l’oublions surtout pas, tout ceci ressemble à de la fraude que les services de l’administration n’ont pas manqué de constater avant de déployer diverses actions afin d’y mettre fin et, le cas échéant, en poursuivre les auteurs.
3. La réaction de l’administration fiscale
L’administration fiscale a tenté, dans un premier temps, d’utiliser l’arme de la vérification.
Plusieurs inspecteurs vérificateurs ont été déployés afin de mettre fin à l’hémorragie. Nous avons eu l’occasion d’accompagner certaines entreprises qui ne se livrent pas à ce stratagème mais qui ont fait l’objet de contrôles « dans la foulée ». De manière constante, les inspecteurs ont contesté les ventes de véhicules intervenues dans un délai inférieur à cinq ans après leur achat, en s’appuyant sur les dispositions de l’article 102 du C.G.I. selon lesquelles les biens susceptibles d’amortissement éligibles au droit à déduction doivent être inscrits dans un compte d’immobilisation, conservés pendant une période de cinq années suivant leur date d’acquisition et être affectés à la réalisation d’opérations soumises à la taxe sur la valeur.
C’était sans tenir compte du fait que les véhicules appartenant à une entreprise de location sans chauffeur font l’objet d’une utilisation des plus intense à un point où aucune entreprise de location sérieuse ne pourrait garder un véhicule pendant une période totale de cinq ans sans, au mieux multiplier les opérations de dépannage de ses clients et, au pire, mettre en danger leur sécurité !
Ce seul argument nous a permis d’obtenir l’annulation de redressements.
Enfin, il n’a pas été possible de soulever la question relative à la fraude fiscale car aucun texte n’empêche les sociétés de location de voitures de revendre leurs stocks lorsque cela s’avère nécessaire. Ici, il existe seulement une présomption d’acte d’évasion fiscale ce qui n’est pas suffisant pour opérer des sanctions appropriées. Le loueur pourrait toujours se retrancher derrière l’acte de gestion mal évalué et le fait qu’il se répète par une incompétence !
Devant cette situation difficile, les autorités n’ont plus tellement le choix, elles ont pris la décision d’utiliser l’arme de la législation qui est définitive. La suppression pure et simple de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée et proposée et il ne fait absolument aucun doute que nos députés l’adopteront car la décision est sollicitée, fait rare, par les concessionnaires et….les entreprises de location de véhicules qui travaillent dans le respect des lois et qui ne supportent plus les amalgames !
4. Efficacité de la mesure
Les « faux loueurs de voitures » ne pourront plus utiliser le montant de la taxe sur la valeur ajoutée comme argument de vente avant d’en avoir déboursé le montant entier et, surtout, être parvenu à le récupérer par imputation sur un chiffre d’affaires taxable. Et le tour est joué !