Le Maroc s’est engagé depuis plus d’un quart de siècle dans une profonde réforme de la fiscalité dont le principal objectif et de simplifier l’environnement légal du contribuable et ses rapports avec l’administration, tout en élargissant l’assiette fiscale. Le succès d’une telle réforme serait partagé par l’administration, en termes de recettes fiscales stables, et le contribuable qui verrait sa charge progressivement allégée et mieux répartie.
La simplification a été considérée comme prioritaire afin de supprimer une complexité néfaste, ou du moins l’atténuer. Des lois « phares » ont modernisé notre système fiscal en instituant successivement, la taxe sur la valeur ajoutée, sur le modèle de la plupart des pays partenaires du Maroc, l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu. Une codification de la fiscalité a suivi ce mouvement afin de concentrer l’environnement fiscal des entreprises et des particuliers dans un seul et unique document, le Code Général des Impôts.
Ce travail gigantesque n’a pas pu être réalisé sans une réflexion suffisamment claire sur l’orientation de notre politique fiscale. Pourtant, l’administration semble rencontrer de sérieuses difficultés dans l’un des axes majeurs de la réforme, l’élargissement de l’assiette fiscale. Le recouvrement de l’impôt, bien que nettement amélioré durant cette dernière décennie, n’est pas encore au niveau des attentes de l’administration. Ce dernier point pose des difficultés car il requiert une attention particulière à la capacité contributive de chacun mais aussi et surtout, au caractère raisonnable de la pression fiscale et sa répartition juste et équitable.
Ce malaise est perceptible lorsque l’administration propose des opérations exceptionnelles de « contribution libératoire » ou de « déclarations rectificatives spontanées ». Elle s’adresse aux contribuables qui n’auraient pas observé les exigences de la loi et leur propose l’absolution moyennant une contribution qui échappe aux données habituellement utilisées et opte pour une base forfaitaire. De telles pratiques ne datent pas d’hier car, à plusieurs reprises, dans le passé, des entreprises se sont empressées d’y souscrire pour « nettoyer » leurs comptes. Toute tentative de « décoder » le message de l’administration nous amènerait, fatalement, à poser la question de la stabilité du système fiscal. Les mesures instituées durant cette période de réforme fiscale, aussi importantes les unes que les autres, n’auraient pas été suffisantes pour instaurer une paix fiscale durable !
La multiplication de ces appels à contribution libératoire et prescription anticipée semblent conforter cette question aussi profonde que légitime.
La digitalisation de notre système fiscal devait, notamment, libérer des ressources humaines pour améliorer les programmes de vérification et, de ce fait, l’assiette de l’impôt.
Les contributions libératoires, véritables « dérives fiscales » sont donc encore moins justifiées dans cet environnement numérisé.
Par ailleurs, le Maroc a malgré tout fait de son mieux pour tenir ses promesses en matière de baisse des taux d’imposition, ce qui n’arrange rien car ces mesures ont entraîné des dépenses fiscales importantes et un rétrécissement de l’assiette fiscale.
Les articles des médias qui dénoncent une forte concentration de la pression fiscale sur un pourcentage réduit de contribuables sont réguliers et ce n’est pas un bon signe. C’est une information qui nous alerte sur la stabilité du système fiscal.
Cette stabilité, atout majeur, devrait offrir aux opérateurs économiques nationaux et étrangers la confiance dont ils ont besoin pour investir.
Sans elle, il est difficile, pour ne pas dire impossible de planifier et prévoir. Des mouvements inattendus en matière de taux d’imposition et les opérations exceptionnelles de contribution libératoire favorisent ceux qui n’ont pas contribué conformément aux dispositions légales et gênent ceux ont fait preuve d’éthique.