La réponse à cette question est très difficile voire impossible. Toutefois nous allons essayer d’apporter quelques éclaircissements économiques afférents au bonheur avec une application au Maroc et c’est à vous à la fin de voir si nous sommes plus heureux aujourd’hui qu’il y a 50 ans.
Bonheur &, Argent
D’un point de vue économique (comme d’autres !) il est difficile d’aborder la notion du bonheur sans évoquer l’argent. Plus précisément la théorie économique est en désaccord avec l’adage« L’argent ne fait pas le bonheur ». Steven et Wolfers (2013) entre autres ont démontré que le bonheur des populations et le PIB par habitant sont corrélés positivement. Plusieurs indices du bonheur comportent le revenu moyen ou encore le PIB par habitant comme critère important dans l’appréciation du bonheur des populations des pays. The World Happiness Report qui est une publication de United Nations Sustainable Développement Solutions Network établit annuellement un classement de 143 pays dans le monde selon six critères dont le PIB par habitant.
Faut-il augmenter le PIB pour être heureux ?
Le Maroc a réalisé en 2020 un PIB qui représente 75 fois le PIB réalisé en 1966 ou encore un PIB bien supérieur à celui de Kirghizstan et pourtant selon le World Happiness Report 2022 les Kirghizes sont plus heureux que les Marocains !Le PIB entre le mirage et le réel
En effet le bonheur et le PIB sont bien corrélés positivement toutefois il ne s’agit pas du PIB nominal mais le réel. Avant d’aller encore plus loin prenant un peu de temps pour définir le PIB. Une définition moins académique mais commode pour la compréhension. Le PIB est :… Imaginant vous êtes en train de faire vos courses dans un supermarché vous achetez 2 litres de lait à 10 dirhams/litre. En arrivant à la caisse on vous demande de payer 20 dirhams.
Il s’agit du montant de la facture que vous allez payer ou de ce que le supermarché a vendu et si on fait la somme de toutes les ventes de tous les acteurs producteurs de biens et services d’un pays pendant une période donnée cela donne le PIB nominal. De cette mise en scène vous pouvez imaginer que l’on peut augmenter le PIB soit par la vente de plus de produits en quantité (Le supermarché vous vend plus de lait) /qualité (le supermarché vous vend un smartphone) ou par l’augmentation du prix (le prix du lait passe à 15 dirhams le litre). Or une économie est plus productive lorsqu’elle produit plus et/ou mieux et non pas parce que les prix augmentent ! La dynamique du PIB nominal ne permet pas d’apprécier le développement d’une économie à cause de l’augmentation des prix. A l’inverse en neutralisant l’inflation (l’augmentation des prix) la dynamique du PIB réel constitue une bonne mesure pour savoir si une économie s’est développée pendant une période donnée et par conséquent si son revenu a augmenté.
Le Maroc entre le mirage et le réel
| , | PIB Nominal (*) | PIB Réel (***) | PIB Nominal par Habitant (**) | PIB Réel par Habitant |
| 1966 | 14 556 000 000.00 | 14 556 000 000.00 | 997.30 | 997.30 |
| 2020 | 1 090 000 000 000.00 | 117 000 000 000.00 | 29 517.87 | 3 160.62 |
| Multiple | 74.88 | 8.04 | 29.60 | 3.17 |
(*) Données de la banque mondiale en MAD
(**) Données de population : 14 595 351 en 1966 et 36 910 558 en 2020
(***) Calcul avec prix constant de 1966
La figure en dessous montre la dynamique à travers les années depuis 1966 à 2020 avec une fréquence annuelle du PIB nominal et réel ainsi que le PIB par habitant.
Il faut noter aussi qu’on communique beaucoup sur le PIB par habitant dans un souci de démontrer une répartition pseudo équitable et déguisée des richesses équivalent à 3000 USD de nos jours or en réel nous avons 9 fois moins que cela (320 USD par habitant et par an sur la base des prix constants 1966). En conclusion et pour partager avec vous mon avis sur la réponse à la question en guise de titre de cet article je dirais que probablement nous vivons en 2022 plus heureux qu’en 1966 sur la base du PIB réel par habitant mais il faut produire plus et mieux pour aspirer à un bonheur supérieur à ceux des Kirghizes. Références : Stevenson B. & Wolfers J. (2013). Subjective Well-Being and Income: Is There Any Evidence of Satiation? The American Economic Review 103(3) 598–604.
