Comme les personnes physiques, les entreprises ont une nationalité. Cela nous permet de mieux les identifier et aussi les situer géographiquement lorsque leurs activités demeurent locales. Ainsi, la firme L’ORÉAL serait française comme RENAULT ou EADS et il ne viendrait à l’idée de personne de douter du fait que FORD est américaine, FIAT italienne, BOMBARDIER canadienne…… !
Mais quel est le critère de la détermination de la nationalité d’une entreprise et qu’est devenu cet attribut avec l’internationalisation des affaires ?
Habituellement, selon la plupart des législations et des usages en vigueur, le critère du lieu d’établissement du siège social de l’entreprise, lorsqu’il s’agit d’une société, est retenu pour déterminer sa nationalité. On parle, communément d’une personne morale de droit marocain lorsque son siège social est établi au Maroc. Compte tenu de ce critère, la société se trouve assujettie à toutes les obligations juridiques prévues par le droit marocain, comme elle peut profiter de tous les avantages institués par ce même droit.
Ce critère traditionnel a été quelque peu malmené par les mouvements considérables des capitaux à travers les lieux et les personnes. Ainsi, au-delà de l’implantation géographique de l’entreprise, il est souvent nécessaire de rechercher d’autres formes de dépendance. L’origine des capitaux, la nationalité des dirigeants, le lieu d’exploitation ou celui de son contrôle effectif deviennent autant de critères aussi pertinents les uns que les autres pour identifier la société.
Par ailleurs, il est de plus en plus difficile de déterminer celui qui est prépondérant. Certaines législations ont beau affirmer que c’est le siège social, il n’en demeure pas moins que les États se trouvent de plus en plus démunis devant la question relative à la nationalité des sociétés. Si le changement de nationalité d’une société ne peut être effectué que par un transfert de son siège social à l’étranger, il est évident que cet évènement juridique ne représente plus qu’une importance relative lorsque d’autres éléments doivent être pris en considération.
C’est probablement pour cette raison que l’une des préoccupations des États est de surveiller « le passage sous contrôle étranger » des entreprises établies sur leurs territoires. Ils le font pour des motifs liés, principalement, à la protection du patrimoine national mais aussi pour des raisons d’ordre fiscal. La plupart des conventions signées par les États en vue d’éviter la double imposition ont institué des critères d’ordre géographique dans le partage de l’impôt et le droit d’attribution. Dans ce contexte, la notion de résidence pour les personnes physiques et morales demeure un attribut déterminant.
Malgré ces efforts et la complexité des législations mises en place, la mondialisation des affaires a réussi à relativiser de manière considérable de telles dispositions. Qui sait aujourd’hui que la prestigieuse JAGUAR est passée sous le contrôle de l’indien TATA Motors. Doit-on en conclure que JAGUAR a changé de nationalité ou demeure-t-elle anglaise ? La question se pose aussi pour LAND ROVER depuis que son capital est détenu par le même TATA Motors ?
Autre exemple édifiant, une partie du capital social du groupe aéronautique et de défense EADS est détenu par trois États, La France, l’Allemagne et l’Espagne, le reste étant placé en bourse. Pourtant, tout le monde est persuadé que ce groupe est de nationalité française alors que l’État français ne détient plus que 12% des actions. Il n’est pas non plus de nationalité allemande, ni espagnole, ces deux derniers États ne détenant ensemble que 17.5% du capital. Alors quelle est la nationalité d’EADS ? Le groupe serait-il devenu apatride ?!
C’est cette dernière expression, réservée uniquement aux personnes physiques qui ne sont ressortissantes d’aucun État (convention de New-York du 28 septembre 1954), que certains auteurs ont utilisé pour illustrer la perte de nationalité de certaines sociétés.
Plus près de nous, COSUMAR, la firme qu’aucun marocain n’ignore, est-elle toujours de nationalité marocaine alors que 27% de son capital sont détenus par des malaisiens. Or cette participation, même relativement minoritaire permet de contrôler totalement l’entreprise dont le reste du capital social est détenu par des milliers d’épargnants sur le marché boursier….
En fait, nous sommes obligés d’admettre qu’il existe à présent deux conceptions différentes de la nationalité des sociétés. L’une purement juridique qui prend en considération, principalement, le critère du lieu du siège social. L’autre, plus récente, est une conception de nature économique. Elle constitue un mélange de plusieurs éléments qui convergent tous vers ce qui est essentiel, le contrôle de l’entreprise !