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La prescription du chèque : Une farouche incompréhension ou un désordre total ? (2/3)

La prescription du chèque : Une farouche incompréhension ou un désordre total ? (2/3)

La prescription est-elle cambiaire (code de commerce) ou civile (dahir des obligations et contrats) ?

Le principe est qu’en dehors du recours cambiaire, le porteur du chèque doit prouver sa créance.

Lorsque la demande en paiement de chèques est fondée non sur le droit cambiaire mais sur le rapport de droit sous-jacent à l’émission, c’est au bénéficiaire qu’il incombe de rapporter la preuve de l’existence de la créance.

La distinction entre recours cambiaire et recours de droit commun revêt une importance considérable au stade de la preuve. Dans la mesure où l’existence du recours cambiaire est indépendante de la créance fondamentale, la reconnaissance d’un tel recours emporte renversement de la charge de la preuve : c’est au tireur de démontrer le bien-fondé de l’exception qu’il invoque et non au porteur d’établir l’existence de sa créance.

En revanche, lorsque la demande en paiement d’une somme figurant sur un chèque n’est pas fondée sur le droit cambiaire mais sur le rapport fondamental ayant, ou non, justifié la remise de l’effet en paiement, il appartient à celui qui poursuit le paiement de prouver l’existence de l’obligation dont il réclame l’exécution.

Sauf cas d’opposition légitime, le règlement d’un chèque par le tiré est dû par sa seule mise en circulation. Cela étant, la remise d’un chèque n’entraîne ni novation ni paiement du chèque. Et, lorsque, pour une raison ou pour une autre, le porteur n’a pu, dans les délais qui lui sont impartis, encaisser le chèque qui lui a été remis, l’on admet généralement que l’action fondamentale survive à la disparition de l’action cambiaire.

Le créancier qui souhaite être payé devra alors faire la preuve du rapport fondamental. Pour ce faire, le chèque ne sera pas dépourvu de toute utilité et pourra lui servir de commencement de preuve par écrit. Précisons, toutefois, que la prescription de l’action cambiaire, normalement acquise à l’issue d’un délai de six mois après l’expiration du délai de présentation des chèques, ne laisse pas nécessairement qu’une action de droit commun au porteur.

Toutefois, faute de précision de la part du législateur, on professe que l’action contre le tireur se prescrit dans ce cas par quinze ans (article 387 du Dahir des obligations et contrats) ou par cinq ans (article 5 du code de commerce) selon que l’émission est de nature civile ou commerciale.

Libérer le mandant avant le mandataire !

Récapitulons

prescription_cheque

Drôle de raisonnement !

L’action du porteur du chèque contre le tireur est prescrite six mois avant celle du porteur contre le tiré.

Or, et je m’adresse au législateur, est-il concevable de libérer le mandant et contraindre le mandataire d’attendre six mois encore avant de voir le tireur dépourvu de tout recours.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler que le chèque doit contenir, au sens de l’article 239 du code de commerce : « (…) le mandat pur et simple de payer une somme déterminée (…) ».

Il s’agit, bel et bien, d’un mandat régi par les dispositions des articles 879 et suivants du D.O.C.

L’incidence de l’opposition irrégulière au paiement d’un chèque émanant du tireur en cas de prescription de l’action en paiement formée contre lui

Très attaché à l’irrévocabilité de la provision, le législateur marocain a usé restrictivement de la faculté de faire opposition au paiement du chèque. Il a prohibé d’une façon générale l’opposition du tireur, prohibition à laquelle il n’a apporté que des dérogations très limitées. L’opposition n’est ainsi admise que dans des circonstances bien précises. A défaut d’être dans l’une de celles-ci, le porteur a un droit légitime à voir son chèque être payé par le tiré.

Bien que le chèque soit un titre payable, l’obligation de fournir une provision disponible se prolonge dans l’obligation de la maintenir jusqu’à ce que le chèque soit payé ou qu’il ne soit plus exigible. Pour mémoire, ce dernier résultat ne se produit qu’avec la prescription des recours et non avec l’expiration du délai légal de présentation.

L’irrévocabilité de l’ordre de payer souffre, toutefois, d’une exception avec l’opposition.

Est-elle une mesure conservatoire ? et dans l’affirmative, n’est-il pas équitable (et je pèse mes mots) de bloquer la provision correspondante, puisque l’objectif est de l’immobiliser. Il s’agit ainsi, concrètement, de l’ordre donné au tiré par le tireur de ne pas payer un chèque présenté à l’encaissement.

Or la loi limite les cas dans lesquels cette opposition peut être faite. En effet, selon l’article 271 du code de commerce, « il n’est admis d’opposition au paiement du chèque qu’en cas de perte, de vol, d’utilisation frauduleuse ou de falsification du chèque, de redressement ou de liquidation judiciaires du porteur ».

La liste est limitative et aucun autre motif ne saurait justifier une opposition. Le tireur qui fait opposition pour un motif irrégulier (illicite) doit être, à notre sens, assimilé à celui qui n’a pas fait provision ou retiré celle-ci, et auquel cela présenterait, nous dit le bon sens, une incidence en cas de prescription de l’action en paiement.

Nous estimons que le porteur d’un chèque doit avoir un recours fondé sur le droit cambiaire qui subsiste en cas de déchéance ou de prescription contre le tireur qui a fait opposition en dehors des cas prévus par la loi.

En effet, il est inconcevable de, tout à la fois faire produire ses effets à la prescription de l’action cambiaire et constater que l’opposition formée est irrégulière.

D’autant plus que les deux situations aboutissant au même résultat : l’impossibilité pour le tiré de payer le chèque. La règle a donc vocation naturelle à s’appliquer aux deux circonstances.

L’article 295 du code de commerce, alinéa 3, pourrait ainsi présenter le contenu suivant : « Toutefois, en cas de déchéance ou de prescription, il subsiste une action cambiaire contre le tireur qui n’a pas fait provision ou qui a fait opposition en dehors des cas prévus par la loi ou contre les autres obligés qui se seraient enrichis injustement ».

Alors, toute discussion serait définitivement écartée.

Faut-il contester la prescription en invoquant l’irrégularité de l’opposition formée par le tireur ?

L’opposition irrégulière est-elle sans incidence sur le cours de la prescription, faute pour le bénéficiaire d’avoir remis le chèque à l’encaissement avant l’acquisition de la prescription ?

Comme tout délai de prescription, le délai d’un an est susceptible d’interruption (malgré sa brièveté, ce n’est, en effet, pas un délai préfix).

Le bénéficiaire d’un chèque impayé frappé d’une opposition, peut, s’il conteste celle-ci, en solliciter la mainlevée auprès du président du tribunal de commerce.

En effet, l’article 271 du code de commerce stipule : (…) Il n’est admis d’ opposition au paiement du chèque qu’en cas de perte, de vol, d’ utilisation frauduleuse ou de falsification du chèque, de redressement ou de liquidation judiciaire du porteur. Le tireur doit immédiatement confirmer son opposition par écrit quel que soit le support de cet écrit et appuyer cette opposition par tout document utile.

(…) Si, malgré cette défense, le tireur fait opposition pour d’autres causes, le président du tribunal, même dans le cas où une instance au principal est engagée, doit sur la demande du porteur ordonner la mainlevée de cette opposition.

La loi ne précise nullement le délai dans lequel est enfermée cette action. Faut-il la calquer sur l’action en paiement du porteur du chèque contre le tiré (n’étant pas le débiteur principal) ou celle du porteur ?

Faut-il considérer que les deux actions ont le même objet, à savoir le paiement du chèque et que l’action en mainlevée n’est qu’une modalité de l’action en paiement de la provision du porteur contre le tiré ?

La réponse par l’affirmative à cette question, nous conduit à énoncer que le bénéficiaire d’un chèque peut agir en mainlevée de l’opposition tant que celle-ci garde effet, jusqu’à la prescription de l’action contre le tiré, qui est d’un an à partir de l’expiration du délai de présentation, délai qui est lui-même en principe de vingt (soixante) jours à compter de l’émission du chèque. Quant à la durée d’effet de l’opposition, en l’absence de mainlevée, c’est également, en principe, le délai de prescription d’un an.

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