La décarbonation, longtemps perçue comme une démarche volontaire ou stratégique, devient progressivement une obligation légale pour les entreprises marocaines. Face à la montée des exigences environnementales, à la pression des marchés internationaux, notamment européens, et à l’urgence climatique, le Maroc structure un cadre réglementaire qui pousse les entreprises vers la neutralité carbone.
Le Maroc a adopté en 2021 une Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) avec pour objectif la neutralité carbone à l’horizon 2050. Cette stratégie définit des trajectoires sectorielles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’industrie, l’énergie, le transport, l’agriculture, le bâtiment et la gestion des déchets. Elle marque un tournant majeur dans la transition écologique du pays, avec l’intention d’intégrer progressivement des obligations
réglementaires pour les grands émetteurs.
L’entrée en vigueur du Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) par l’Union européenne, prévue pour 2026, accentue cette dynamique. Cette réglementation impose aux entreprises exportatrices vers l’Europe (acier, engrais, aluminium, ciment…) de justifier leur performance carbone sous peine de pénalités tarifaires. Or, plus de 60 % des exportations marocaines sont destinées à l’UE, ce qui oblige les industriels à s’aligner sur les standards européens de décarbonation.
Au niveau national, plusieurs initiatives annoncent une évolution vers l’obligation légale. Le ministère de la Transition énergétique a entamé l’élaboration d’un cadre pour la comptabilité carbone obligatoire pour certaines entreprises. En parallèle, des projets de taxation des émissions, de labels environnementaux et de réglementations sectorielles contraignantes sont à l’étude. Par ailleurs, la future Loi sur l’investissement durable, actuellement en préparation, devrait conditionner certaines aides et exonérations fiscales au respect d’objectifs environnementaux, notamment en matière de décarbonation.
De grands groupes marocains comme OCP, LafargeHolcim, Renault Maroc ou Managem ont déjà intégré la décarbonation dans leurs plans stratégiques. OCP, par exemple, vise la neutralité carbone en 2040 et investit dans l’hydrogène vert et les énergies renouvelables. Toutefois, les PME, qui représentent l’essentiel du tissu économique, peinent à suivre le rythme, faute d’accompagnement technique et financier. Pour y remédier, la CGEM, avec le soutien de l’Union européenne et de la BEI, a lancé en 2023 un programme national d’aide à la décarbonation incluant diagnostic carbone, formation et accès à des financements verts.
La décarbonation n’est plus une option. Elle devient une exigence légale et commerciale incontournable pour les entreprises marocaines. Anticiper cette évolution est aujourd’hui un gage de compétitivité, de conformité et de responsabilité. L’État comme le secteur privé doivent désormais accélérer la structuration d’un écosystème capable de transformer la contrainte en opportunité durable.