Les dispositions instituées par notre droit fiscal en matière de territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée sont assez particulières, pour ne pas dire singulières…
Selon l’article 88 du code général des impôts (C.G.I.), une opération est réputée faite au Maroc, s’il s’agit d’une opération de prestation de service, lorsqu’elle est exploitée ou utilisée au Maroc.
Signalons qu’en droit européen, par exemple, lorsqu’un assujetti entreprend une activité de prestation de service en dehors du territoire européen, l’opération est placée hors champ d’application de la T.V.A. C’est, donc, contrairement à ce que prévoit la loi marocaine, le lieu d’établissement du prestataire de service qui détermine l’assujettissement à la taxe.
Compte tenu de ce principe, toutes les opérations de prestation de service réalisées au Maroc par des entreprises étrangères sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, sauf si l’opération concernée est exonérée de ladite taxe.
Ces entreprises n’ayant aucun établissement au Maroc, se pose la question de savoir comment elles doivent procéder afin d’obtenir l’identifiant fiscal indispensable et, d’une manière générale, se conformer aux dispositions légales en vigueur.
Cette question est traitée par l’article 115 du C.G.I. relatif aux obligations des contribuables non-résidents. Voici ces dispositions :
« Toute personne n’ayant pas d’établissement au Maroc et y effectuant des opérations imposables au profit d’un client établi au Maroc, doit faire accréditer auprès de l’administration fiscale un représentant domicilié au Maroc qui doit s’engager à se conformer aux obligations auxquelles sont soumis les contribuables exerçant leurs activités au Maroc et à payer la taxe sur la valeur ajoutée exigible.
A défaut d’accréditation d’un représentant, la taxe due par la personne non-résidente doit être déclarée et acquittée par son client établi au Maroc ».
Dans la pratique, ces mesures fiscales ont engendré des difficultés d’application qui s’ajoutent à la lourde responsabilité qui est placée sur le représentant fiscal. Les principaux inconvénients qui ont été identifiés peuvent être résumés ainsi qu’il suit :
Il semble que l’administration fiscale ait pris conscience de ces difficultés car elle a proposé une mesure fiscale complétant l’article 115 du C.G.I. lors de l’adoption de la loi de finances pour l’année 2014.
« …Dans ce cas, lorsque le client exerce une activité passible de la taxe sur la valeur ajoutée, il doit déclarer le montant hors taxe de l’opération sur sa propre déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée, calculer la taxe exigible et procéder en même temps à la déduction du montant de ladite taxe exigible ainsi déclarée ».
Cette mesure pourrait être considérée comme une « institutionnalisation » de l’auto-liquidation de la T.V.A. Toutefois, comme nous l’avons souligné ci-dessus, les difficultés ne proviennent pas seulement des conditions de liquidation de la taxe. Elles sont surtout dues à la « dissymétrie » existant entre l’ampleur de la responsabilité légale pesant sur le représentant fiscal et la faiblesse des moyens légaux dont il dispose pour activer les procédures de recouvrement de la taxe et gérer dans les meilleures conditions les dossiers des entreprises clientes étrangères.
Tout ceci nous incite à conclure que la mesure fiscale instituée par la loi de finances pour l’année 2014 demeure largement insuffisante. Une mesure plus radicale aurait consisté à modifier complètement l’article 115 du C.G.I. en abrogeant totalement les dispositions relatives à la représentation fiscale ou en les clarifiant davantage afin d’éviter les situations contradictoires.
Si nos décideurs optent l’abrogation, nous recommanderions l’harmonisation des dispositions légales relatives à la T.V.A. et celles de l’impôt sur les sociétés. Le client établi au Maroc de l’entreprise étrangère, déjà sollicité par la loi, serait tenu de procéder, en même temps, le cas échéant, à deux retenues à la source, celle de la T.V.A. et celle de l’impôt sur les sociétés.
Nous espérons que ces suggestions soient entendues et fassent l’objet d’une réflexion de la part des responsables chargés de faire évoluer les lois en vigueur. Elles sont pertinentes car elles traduisent de manière fidèle la situation sur le terrain.