Auteur : Thami GHORFI
Sport et géopolitique ont démontré cet été 2017 qu’ils faisaient comme jamais bon ménage. Le transfert du prodige footballeur Neymar da Silva Santos Jr du FC Barcelona au Paris Saint Germain est à lire dans le contexte géopolitique tendu du Golfe. L’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes unis, le Bahrein et l’Egypte ont mis à l’index le petit état voisin, en l’accusant de soutenir le terrorisme islamique. Le Qatar se trouve isolé depuis début Juin dans sa dimension péninsulaire.
L’émirat ne laisse pas indifférent depuis deux décennies. Ayant obtenu son indépendance en 1971, c’est le 27 Juin 1995 que le Qatar entre dans une nouvelle ère, et souhaite être acteur de la mondialisation. Le Cheikh Hamad ben khalifa Al Thani destitue son père et prend les commandes de l’émirat. Il se donne pour objectif de rendre son pays visible sur la scène internationale. C’est à cette période que le Qatar devient un excellent cas d’étude du soft power. Le Qatar possède les troisièmes plus importantes réserves gazières de la planète et est le premier exportateur mondial. Il souhaite utiliser ses moyens financiers pour diversifier ses ressources futures et surtout pour développer sa notoriété et se construire une image internationale.
Les outils du Soft Power Qatari
Le Qatar met en œuvre une stratégie bien claire et dont l’exécution se fait minutieusement. Il érige quatre leviers majeurs de sa diplomatie de séduction et de persuasion :
Le football au cœur d’une crise géopolitique
Le transfert du brésilien Neymar est à lire avec cette grille d’analyse, tout en tenant compte de la faiblesse des cours des prix des hydrocarbures ces dernières années. Soulignons d’ailleurs que le Qatar a vu son taux de croissance passer de plus de 16% en moyenne sur la période 2004-2011 à près de 3% en moyenne ces trois dernières années. Acculé, le petit émirat utilise ce qui lui réussit depuis plus de vingt ans pour défendre son image sur la scène internationale, son influence par le soft power. Le montant global versé pour cette transaction est certes démesuré, mais le Qatar se doit de consolider sa stratégie d’influence en vue de 2022. Ses adversaires du Golfe ne manquent pas de mobiliser leurs réseaux et leurs forces pour le discréditer et tenter de le faire échouer pour ce Mondial de Football qui a fait de nombreuses polémiques.
L’opération Neymar est venue à point nommé pour l’associer à la réussite du PSG et soutenir l’image d’un Qatar mis en difficulté, en le maintenant en mouvement. C’est une opportunité exceptionnelle pour dorer l’image du pays pointé du doigt de soutien au terrorisme, qui est devenu un phénomène global. Rien de mieux que le football, le sport roi pour séduire les peuples. Les médias du monde entier ont relayé cette information.
Avant d’accéder au pouvoir le 25 Juin 2013, l’émir Cheikh Tamim ben Hammad ben Khalifa Al Thani, a supervisé l’acquisition du PSG. Cela donne encore plus de sens à cette opération dans ce contexte difficile pour le petit émirat. La décision de transfert de Neymar a donc été prise au plus haut niveau de l’émirat.
Le Cheikh Tamim ben Hammad Al Thani, qui connaît bien le monde du sport (il a été le plus jeune membre du Comité International Olympique en 2002) est derrière les grands développements du soft power qatari depuis sa désignation en qualité de prince héritier en 2003. Il a dirigé personnellement la campagne qui a permis l’attribution au Qatar du Mondial de football de 2022. Il a été aussi engagé dans les sujets relatifs à l’éducation et à la santé dans l’émirat.
C’est dire que cette dynamique n’est pas une simple question de mercato international où les opérations sont seulement commerciales et financières. Il s’agit là d’une opération orchestrée au service de l’image d’un Qatar qui continue sa conquête par sa force de séduction. La stratégie de la marque Qatar ne s’interrompt pas en période de crise géopolitique. L’émirat continue à marquer des points face à ses voisins qui utilisent plus de coercition.
Le QIA pour Qatar Investment Authority est le fonds souverain de l’émirat. Il dispose aujourd’hui de plus de 335 Milliards de Dollars d’actifs dans le monde. Lancé pour diversifier les investissements du Qatar et prévoir des revenus en dehors de hydrocarbures. Il a créé le véhicule financier Oryx Qatar Sports Investment pour diverses opérations dans l’industrie du sport. Qatar Sports Investment est propriétaire du PSG football et handball, et a géré le contrat de sponsoring avec le FC Barcelona. QSI est donc derrière l’opération d’achat de Neymar.
Le fonds souverain qatari, très présent en Europe dans un premier temps a mis en œuvre ses ambitions mondiales et est actuellement actif sur tous les continents et dans de nombreux secteurs. Son portefeuille est très diversifié1. Va-t-il céder des actifs ou restructurer son portefeuille du fait de cette géopolitique qui se superpose à la baisse des prix des hydrocarbures ?
1 quelques actifs du portefeuille de QIA en date du 9 Janvier 2017