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Le monde en face

Rédigé par Thami GHORFI | Nov 2, 2016 2:35:00 PM

Dans une analyse publiée par le think tank américain American Entreprise Institute AEI*, Michael Rubin présente 10 pays dont la stabilité n’est pas certaine dans les quatre prochaines années. Cette analyse vient interpeler à la veille des élections américaines. Il rappelle qu’en 2000 lors des débats entre les deux candidats George W. Bush et Al Gore, ni l’Iraq ni l’Afghanistan ne nécessitaient une attention particulière. En 2008, les débats entre Barack Obama et John McCain en 2008 n’ont pas montré l’intérêt de plus d’attention pour la Lybie et la Syrie. Le printemps arabe n’était pas prédictible non plus.

C’est la raison pour laquelle Michael Rubin, s’est intéressé aux 10 pays qui présentent potentiellement des crises majeures à garder sous la loupe de la prochaine administration américaine.

Cette liste compte 4 pays africains, la Mauritanie, l’Algérie, le Nigéria et l’Ethiopie. 3 pays font partie de la région MENA, la Turquie, l’Arabie Saoudite et la Jordanie. Enfin, Michael Rubin met la lumière sur les incertitudes en Russie, en Chine et dans l’archipel de l’Océan Indien, Les Maldives.

Ces alertes constituent un complément aux situations de conflits identifiés en Libye, en Syrie, au Yemen ou en Ukraine. L’objectif pour les américains est d’assurer la sécurité de leur population et de leurs institutions face aux évènements que peut connaître le monde.

Et si nous regardions ces risques potentiels de Casablanca ; de cette partie du monde en tenant compte des intérêts du Maroc et du poids des puissances sur l’échiquier mondial.

Commençons par reconnaître que l’arc sahélo-saharien est aujourd’hui déstabilisé par des conflits dont les origines sont de diverses sources : insurrection du fait des divisions de groupes politiques, surexploitation des matières premières, conflits frontaliers, radicalisme religieux, guerres ethniques, pauvreté….

Ainsi les deux voisins à l’est et au sud, l’Algérie et la Mauritanie voient une partie de leur territoire utilisée par les bandes terroristes de Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Tout type de trafic y est, drogue, cigarettes, argent, pétrole… L’Algérie présente certes le défi de la succession au niveau de la présidence de l’Etat. Et quelle que soit l’issue de cette question de succession, il faudra faire face aux intégristes radicaux qui seraient tentés de se venger sur l’Etat algérien. Le Nigéria, pays le plus peuplé d’Afrique représente un immense intérêt économique et politique pour le Maroc dans la région. Il est toutefois en situation fragile à cause de ses conflits ethniques, et de conflits entre chrétiens et musulmans. Boko Haram constitue une menace permanente et imprévisible. Enfin la corruption endémique fait de ce pays un champion en la matière dans la région.

La situation en Ethiopie est particulière pour ce vieux pays ; la forte croissance économique ne favorise pas l’inclusion sociale. Les conflits ethniques et religieux constituent une menace sérieuse. Son industrie naissante et basée sur le coût de la main d’œuvre peut être un atout d’inclusion sociale si la stabilité est au rendez-vous.

Dans la région MENA, l’Arabie Saoudite est engagée dans une guerre à son sud au Yemen, et cette guerre est appréciée comme longue par les spécialistes. Sa position au Moyen Orient est forte, et son partenariat avec les Etats Unis devra être certainement repensé mais il est très peu probable qu’il soit abandonné. La Jordanie, a accueilli plus d’un million de réfugiés syriens, qui font des camps de réfugiés, des espaces explosifs. Son économie n’a pas la résilience suffisante pour faire face à cette situation. Le pays est fortement menacé par les groupes armés de l’Etat Islamique.

La Turquie montre par contre des fragilités potentielles importantes. Cet allié de l’Otan est entré dans une période d’incertitudes importantes. Si les menaces externes de l’Etat Islamique et la situation en Syrie constituent un défi permanent pour sa sécurité, l’évolution du régime du Président Erdogan inquiète. C’est à juste titre. Il avait qualifié le coup d’état de juillet 2016 « d’un présent de Dieu ». La politique de chasse aux sorcières menée actuellement montre que le pays est entré dans une longue période d’incertitudes et nécessite de prévoir des rebondissements à répétition dans les prochaines années. Les alliances entre les différents courants augurent aussi de luttes intestines secrètes qui coûteront à la population turque. L’idéologie a pris le pas sur le développement et la croissance, la puissance économique de la Turquie émergente risque la panne. Le modèle est-il tombé ?

La chine et la Russie présentent d’autres enjeux géopolitiques. L’acuité ne sera pas identique évidemment si l’analyse est de Casablanca. Un pays de taille moyenne, qui cherche à émerger, diversifie ses partenaires. Les défis de la Russie face à l’Europe et les Etats Unis, semblent constituer des opportunités économiques et politiques pour le Maroc. Dans le même sens, les mutations sociales et économiques en Chine créent certes de fortes incertitudes. Si les pays industrialisés craignent le déclin de la Chine plutôt que son essor, pour leurs intérêts, on peut imaginer les opportunités que cela puisse représenter pour le Maroc ; investissements communs visant le marché africain.

Il est certain que les crises sont de plus en plus nombreuses et protéiformes, que leurs cycles sont de plus en plus courts et que les situations sont de plus en plus complexes à appréhender sur le terrain de la géopolitique. Nous pourrions enfin nous poser des questions sur l’avenir de l’Europe et de l’Union Européenne, des crises probables dans les prochaines années liées aux fortes montées de courants conservateurs et d’extrême droite.

* http://www.aei.org