Auteur : Hasnae RAZGANI
La crise de confiance généralisée et déclenchée par les derniers scandales financiers a rappelé l’importance d’une appréciation qualitative de l’information comptable et financière. En effet, au delà des chiffres, c’est bel et bien sa validité qui a été remise en question. Le contrôle exercé par les auditeurs et principalement les commissaires aux comptes devrait suffire à garantir la pertinence[1]et la fiabilité[2]des informations rendues publiques.
Cette profonde crise de confiance contre laquelle luttent désespérément les gouvernements remet en cause la qualité de l’audit légal. Ainsi le seul lien qui existe entre les auditeurs et les destinataires de leurs missions réside dans le rapport d’audit unique vecteur de communication de la qualité de l’audit, il constitue pour les tiers la seule manifestation visible de la mission de vérification. De ce point de vue, l’utilité de l’audit dépend de l’accessibilité à ses conclusions par les utilisateurs de l’information comptable et financière. Elle est donc liée à la capacité des rapports d’audit à en transmettre le contenu de l’appréciation qualitative des commissaires aux comptes sur la situation comptable et financière de l’entreprise.
Néanmoins, le destinataire du rapport d’audit est un groupe hétérogène de parties intéressées présentant des niveaux de connaissances et des intérêts parfois divergents. Ceci représente une des caractéristiques particulières de l’audit. De plus, il constitue en une intervention difficilement observable par les tiers, et notamment les actionnaires, auxquels il est prioritairement adressé ce qui favorise la prolifération du phénomène « Expectation gap »[3].
En effet, les entreprises et les conseils d’administration doivent repenser leur communication financière et non financière en tenant compte des attentes des actionnaires. Les commissaires aux comptes dans ce contexte sont les garants, et les agents de confiance pour les investisseurs : leur fonction est en effet de certifier que les comptes annuels (ou consolidés) sont réguliers et sincères et donnent, dans tous leurs aspects significatifs, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé, du patrimoine ainsi que de la situation financière de la société (ou de l’ensemble des sociétés comprises dans la consolidation) à la fin de cet exercice conformément au référentiel comptable admis au Maroc (formulation normalisée du paragraphe trois du rapport général du commissaire aux comptes).
Les destinataires du rapport de l’auditeur estiment que l’information comptable et financière certifiée ne leur permet pas de décider convenablement de leur choix d’investir ou de désinvestir. Malgré cette définition précise, le rôle de l’auditeur est souvent remis en cause, débat qui redouble d’intensité lors des périodes de crises et de grands scandales comptables et financiers.
Depuis des décennies, le débat sur l’expectation gap recouvrent une certain nombres d’aspects, il s’agit principalement :
La création du Global Public Policy Symposium (GPPS), qui regroupe les CEO des six plus grands acteurs mondiaux de l’audit, témoigne d’une réelle prise de conscience des auditeurs et prouve leur volonté de faire évoluer leur rôle au sein de la communauté financière. Dans un document intitulé « Serving Global Capital Markets and the Global economy: a View from the Ceos of the international audit networks » l’auditeur véhicule une nouvelle approche de sa mission qui le conduirait à changer profondément sa manière de travailler et de relater ses travaux à la communauté financière.
Dans ce contexte, certaines propositions ont été avancées afin de contribuer à améliorer la valeur ajoutée de la mission du commissaire aux comptes et éventuellement mieux aligner les objectifs de la mission des auditeurs sur les intérêts des actionnaires :
Sur cette évolution qu’on attend du commissaire aux comptes pour réduire l’expectation gap, les auditeurs sont probablement partagés. D’un côté, ils aimeraient que leur rôle soit renforcé, et que leur mission et démarche soit enfin comprises et d’apporter un réel appui aux décisions d’investissement et de désinvestissement. De l’autre côté, ils ont conscience de la révolution culturelle qu’ils devraient lancer, et de justifier ainsi l’augmentation des honoraires pour cette nouvelle fonction de contrôle qui dépasserait les frontières de sa mission de base.
Agent de confiance et de contrôle sans immiscer dans la gestion est une mission de jugement « finement nuancé » avec un objectif qui paraît encore aujourd’hui assez utopique.
[1] « La pertinence désigne la valeur d’usage ou l’utilité de l’information pour une utilisation et un destinataire particulier. C’est une notion subjective qui change avec l’utilisateur et les décisions à prendre. » (Evraert 2000 pp 467)
[2] « La fiabilité garantit l’absence d’anomalie ou d’erreur. Elle s’appuie sur la conformité aux normes, règles, procédures et réside dans le domaine de l’objectivité. Les notions d’application de bonne foi (sincérité) des règles (régularité), encore utilisées par le droit comptable français, pour rechercher l’image fidèle, en sont très proches. » (Evraert 2000 pp467)
[3] L’écart entre les attentes des utilisateurs des comptes et ce que l’auditeur considère qu’il doit faire compte tenu de la définition légale de ses responsabilités et des moyens dont il dispose pour remplir sa mission.