Le Crédit Immobilier
Le législateur a voulu protéger le consommateur de crédit immobilier contre le risque d’un engagement irréfléchi, car souscrit trop rapidement. Il a par la même occasion protégé certaines cautions en imposant qu’il soit remis aux cautions un exemplaire de l’offre préalable de crédit.
Dans la même veine, la loi pose trois types de règles qui sont expressément considérés d’ordre public. Ces règles répondent à des objectifs différents. Mais elles ont une philosophie commune, protéger le consommateur.
Le législateur a d’abord imposé des règles relatives à la publicité des crédits immobiliers. Il fallait éviter que l’attention du consommateur soit attirée par une publicité, en apparence alléchante, mais incomplète et imposant au candidat emprunteur un engagement immédiat. Il a édicté ensuite des dispositions freinant la formation du contrat de crédit, par le système de l’offre préalable. Celle-ci, du moins en apparence, permet au consommateur de prendre connaissance des conditions précises du crédit. La convention ne deviendra définitive qu’après l’écoulement d’un délai de réflexion. Enfin, il a créé une relation de dépendance entre le crédit immobilier et le contrat que ce prêt finance. L’idée de base de ce « bloc contractuel » est d’éviter que, bien qu’elle constitue un accroc aux règles de droit commun, la validité de la vente subsiste en l’absence d’obtention de prêt ou inversement que, malgré la non-conclusion de la vente, le consommateur soit tenu de rembourser le crédit.
Le champ d’application
Sont considérés crédits immobiliers, les prêts, quelle que soit leur qualification ou leur technique, qui sont consentis de manière habituelle par toute personne, en vue de financer les opérations suivantes[1]:
La publicité
Le but de toute publicité de nature commerciale est d’attirer le client. La publicité en matière de crédit immobilier a pour objet d’amener un consommateur à emprunter. Elle se situe par voie de conséquence en amont du processus de consommation. Mais elle risque de la déclencher. La nécessité de protéger celui qui n’est pour le moment qu’un candidat potentiel est indiscutable. Il doit bénéficier d’informations objectives qui correspondent à la réalité de ce qui lui sera effectivement proposé le jour de la conclusion du contrat de prêt. On va demander à l’auteur de la publicité plus qu’une simple obligation de loyauté.
Ainsi, toute publicité qui, quel que soit son support, porte sur un crédit immobilier, doit-elle être informative et honnête:
Toutes les mentions obligatoires doivent être présentées de manière parfaitement lisible et compréhensible par l’emprunteur.
Est interdite toute publicité[2], quel que soit le support utilisé, assimilant les mensualités de remboursement d’un prêt à des loyers à l’exclusion des opérations de location-vente, de location assortie d’une promesse de vente ou de location avec option d’achat. Cette interdiction permet de lutter contre une pratique de certains professionnels du crédit dont le principal argument de vente consistait à démontrer au candidat potentiel que le crédit ne lui imposerait pas de charges supplémentaires par rapport à sa situation actuelle. Mais vérité d’un jour n’est pas forcément vérité du lendemain, surtout compte tenu de la durée des crédits immobiliers. Tout document publicitaire ou tout document d’information remis à l’emprunteur doit mentionner que ce dernier dispose d’un délai de réflexion, que la vente est subordonnée à l’obtention du prêt et que si celui-ci n’est pas obtenu, le vendeur doit lui rembourser les sommes versées.
Le contrat de crédit
Le contrat de crédit immobilier se forme par la rencontre d’une offre émanant d’un établissement de crédit et d’une acceptation d’un consommateur. Sur ce point, le droit de la consommation ne paraît pas s’éloigner du droit commun des contrats. Mais si l’on braque les projecteurs sur cette offre et sur cette acceptation, on s’aperçoit du particularisme existant en droit du consommateur. Sa caractéristique essentielle tient à la mise de côté de « l’instantanéité de la formation du contrat ». D’aucuns parlent de « formation successive du contrat de crédit ». Ce laps de temps dans la formation du contrat doit permettre une bonne protection du consommateur. Il sera convenablement informé et il aura le temps de réfléchir avant de s’engager. Pour cette raison, le législateur a impérativement réglementé l’offre préalable de crédit et son acceptation.
En effet, le prêteur est tenu de formuler par écrit une offre adressée gratuitement par n’importe quel moyen justifiant la réception à l’emprunteur ainsi qu’à la caution éventuelle déclarée par l’emprunteur lorsqu’il s’agit d’une personne physique.
Cette offre doit:
Toute modification des conditions d’obtention du prêt, notamment le montant ou le taux du crédit, donne lieu à la remise à l’emprunteur d’une nouvelle offre préalable[4]. Toutefois, cette obligation n’est pas applicable aux prêts dont le taux d’intérêt est variable, dès lors qu’a été remise à l’emprunteur avec l’offre préalable une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux.
Contrats accessoires
Il est en pratique très fréquent qu’un prêteur exige d’un emprunteur que ce dernier adhère à un contrat d’assurance collective. Cette assurance garantie à l’emprunteur, en cas de survenance de certains risques définis par le contrat, par exemple le décès ou l’invalidité, soit le remboursement total ou partiel du montant du prêt restant dû, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt. Le prêteur est tenu d’une obligation d’information et de conseil vis-à-vis de l’emprunteur sur l’intérêt et le contenu de cette assurance de groupe[5].
A cet effet, les dispositions suivantes sont obligatoirement appliquées:
Jusqu’à l’acceptation de l’offre par l’emprunteur, aucun versement, sous quelque forme que ce soit, ne peut, au titre de l’opération en cause, être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur. Jusqu’à cette acceptation, l’emprunteur ne peut, au même titre, faire aucun dépôt, souscrire ou avaliser aucun effet de commerce, ni signer aucun chèque. Si une autorisation de prélèvement sur compte bancaire ou source de revenu est signée par l’emprunteur, sa validité et sa prise d’effet sont subordonnées à celles du contrat de crédit. L’offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé[7].
Pluralité de prêts
Lorsque l’emprunteur informe ses prêteurs qu’il recourt à plusieurs prêts pour la même opération, chaque prêt est conclu sous la condition suspensive de l’octroi de chacun des autres prêts. Cette disposition ne s’applique qu’aux prêts dont le montant est supérieur à 10% du crédit total[8]. Cette disposition part de l’idée que, si une opération immobilière nécessite l’obtention de plusieurs prêts, l’absence d’obtention de certains d’entre eux ne permet pas la réalisation de l’opération projetée et les prêts obtenus n’ont plus d’intérêt pour l’emprunteur.
Lorsque le contrat en vue duquel le prêt a été demandé n’est pas conclu dans le délai fixé (4 mois), l’emprunteur est tenu de rembourser la totalité des sommes que le prêteur lui aurait déjà effectivement versées ou qu’il aurait versées pour son compte ainsi que les intérêts afférents au délai précité; le prêteur ne peut retenir ou demander que des frais d’étude du dossier[9]. Le montant de ces frais, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont perçus, doivent figurer distinctement dans l’offre.
En cas de renégociation d’une ou de plusieurs conditions du contrat de prêt, les modifications au contrat de prêt initial sont apportées sous la seule forme d’un avenant. Cet avenant comprend, d’une part, un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance le capital restant dû en cas de remboursement anticipé et, d’autre part, le taux effectif global ainsi que le coût du crédit calculés sur la base des seuls échéances et frais à venir.
Pour les prêts à taux variable, l’avenant comprend le taux effectif global ainsi que le coût du crédit calculés sur la base des seuls échéances et frais à venir jusqu’à la date de la révision du taux, ainsi que les conditions et modalités de variation du taux[10].
Le contrat principal
L’acte écrit, même s’il s’agit d’une promesse de vente, ayant pour objet de constater un prêt doit indiquer si le prix ou une partie de celui-ci sera payé directement ou indirectement, avec ou sans l’aide d’un ou plusieurs prêts.
Lorsque l’acte indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l’aide d’un ou plusieurs prêts régis, est cet acte est constaté par un écrit à date déterminée sous la condition suspensive de l’obtention du ou des prêts qui en assument le financement. La durée de validité de cette condition suspensive ne pourra être inférieure à un mois à compter de la dernière date de signature de l’acte.
Lorsque cette condition suspensive n’est pas réalisée, toute somme versée d’avance par l’emprunteur à l’autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit. A compter du seizième jour suivant la demande de remboursement, cette somme est productive d’intérêts au taux légal.
Remboursement anticipé du crédit et défaillance de l’emprunteur
L’emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité son prêt. Il est à noter que le contrat de prêt peut interdire les remboursements égaux ou inférieurs à 10% du montant initial du prêt, sauf s’il s’agit de son solde.
Si le contrat de prêt comporte une clause aux termes de laquelle, en cas de remboursement par anticipation, le prêteur est en droit d’exiger une indemnité au titre des intérêts non encore échus, celle-ci qui est fixée par voie réglementaire ne peut[11] excéder 2% du capital restant dû.
Dans le cas où un contrat de prêt est assorti de taux d’intérêts différents selon les périodes de remboursement, l’indemnité peut être majorée de la somme permettant d’assurer au prêteur, sur la durée courue depuis l’origine, le taux moyen prévu lors de l’octroi du prêt.
En cas de défaillance de l’emprunteur et lorsque le prêteur n’exige pas le remboursement immédiat du capital restant dû, le préteur n’a pas le droit de majorer le taux d’intérêt que l’emprunteur aura à payer jusqu’à ce qu’il ait repris le cours normal des échéances contractuelles.
Lorsque le prêteur est amené à demander la résolution du contrat, il peut exiger de l’emprunteur défaillant le remboursement immédiat du capital restant dû, ainsi que le paiement des intérêts échus et impayées. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux dont le maximum ne peut excéder 2% du capital restant dû.
Aucune indemnité ni aucun coût, autres que ceux précédemment précisés, ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance.
Toutefois, le prêteur pourra réclamer à l’emprunteur, en cas de défaillance de celui-ci, le remboursement, par justification, des frais qui lui auront été occasionnés par cette défaillance à l’exclusion de tout remboursement forfaitaire de frais de recouvrement.
(A suivre)
[1] Sont exclus du champ d’application :
1- les prêts consentis à des personnes morales de droit public;
2- ceux destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d’immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance.
[2] Sans préjudice des dispositions des articles 2 et 67 de la loi n° 77.03 relative à la communication audiovisuelle.
[3] L’acceptation doit être donnée par n’importe quel moyen justifiant la réception.
[4] Par un arrêt du 21 février 1995, la Cour de cassation française a décidé que « l’offre préalable présentée par le prêteur et acceptée par l’emprunteur fait la loi des parties et que le juge ne peut, sous couvert d’interprétation de leur volonté, aggraver la situation de l’emprunteur en modifiant les stipulations contractuelles » (Civ. 1re, 21 févr. 1995, no 93-10.256 , Defrénois 1996. 362, obs. Mazeaud ; RD bancaire et bourse 1995. 144, obs. Crédot et Gérard). Puis, en se fondant sur les règles du droit commun des obligations, elle est revenue sur cette solution et elle a admis la possibilité d’une rectification d’erreurs matérielles (Civ. 1re, 24 févr. 1998, Banque 1998. 82, obs. Guillot ; Defrénois 1999. 378, obs. Mazeaud).
[5] Pour la jurisprudence française, le souscripteur d’une assurance de groupe ne s’acquitte de son obligation d’information qu’en annexant au contrat de prêt une notice définissant de façon claire et précise les risques garantis ainsi que toutes les modalités de la mise en jeu de l’assurance (Civ. 1re, 4 nov. 2003, no 02-10.261 , RDSS 2004. 224, obs. Willmann ).
[6] Ce qui est tout à fait logique. Seul l’adhérent a la possibilité de se prévaloir de cette disposition (Civ. 1re, 11 juin 2003, no 00-14.124 , Bull. civ. I, no 140 ; RGDA 2003. 520, note Mayaux).
[7] Les parties peuvent convenir d’un délai plus long que celui défini par la loi.
[8] Cette précision n’a pas trop de sens, car on peut penser que, si les prêts les plus importants sont obtenus, il en ira de même de ceux d’un montant moindre. Le code de la consommation a instauré une condition d’« octroi » du prêt, similaire à la condition d’« obtention » d’un prêt, qui devrait par conséquent être interprétée de la même façon (OLIVIER, La formation du contrat de crédit immobilier).
[9] Dont la valeur ne peut excéder un montant fixé par voie réglementaire
[10] L’emprunteur dispose d’un délai de réflexion de dix jours à compter de la réception des informations.
[11] Sans préjudice de l’application des dispositions du 3ème alinéa de l’article 264 du Dahir du 9 ramadan 1331 (12 août 1913) formant Code des Obligations et Contrats.