De la nécessité de préserver les ressources pour les générations futures
Les avancées industrielles, technologiques et médicales rapides du dernier siècle ont contribué à l’amélioration de la qualité de vie et au bien-être général de l’humanité. Toutefois, plusieurs déficits et dysfonctionnement sociaux et environnementaux demeurent. La pauvreté, les inégalités sociales, la faim, l’accès à l’eau, le chômage, les maladies, la surexploitation des ressources naturelles, le réchauffement climatique, et la pollution, pour ne nommer que ceux-là, sont aujourd’hui les défis les plus importants à relever à l’échelle planétaire.
La nature et l’urgence de ces défis sociaux et environnementaux a rendu impérative une meilleure coordination internationale et a incité les responsables politiques à réfléchir à un nouveau modèle de développement où les aspects d’équité sociale et de durabilité environnementale ainsi que la croissance économique seront des objectifs d’importance égale. C’est ainsi que la notion de développement durable a été introduite par la Commission Brundtland en 1987. Selon cette commission, le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins.
Le développement durable vise donc, au-delà de la croissance économique, deux objectifs essentiels: D’une part, le développement humain à travers la réduction des inégalités sociales et la réduction de la fracture sociale entre pays développés et pays en voie de développement, et d’autre part la protection environnementale en évitant la surexploitation des ressources naturelles, et en favorisant le respect de l’environnement, la préservation de la biodiversité et la protection des écosystèmes, la diminution de la production des déchets et enfin la rationalisation de la production et de la consommation d’énergie.
La responsabilité sociale de l’entreprise comme mode d’action
Déclinaison à l’échelle de l’entreprise des principes du développement durable, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) constitue un cadre d’action pour les entreprises afin d’intégrer les contraintes sociales, environnementales et économiques dans leur stratégie, et de tenir compte des interactions et des attentes de leurs parties prenantes.
Depuis le sommet de la Terre de Rio (1992), et plus précisément depuis le lancement en 1999 par l’ONU du Pacte Mondial, la création de valeur sociale et environnementale est placée au cœur des préoccupations citoyennes et de responsabilité sociale des entreprises. Les dirigeants sont ainsi tenus de changer de paradigme et de cesser de fonctionner avec le seul but financier à l’esprit. Ils sont encouragés à repenser de nouveaux modèles qui, tout en créant de la valeur économique, cherchent à répondre aux défis socioéconomiques et environnementaux, en maximisant le bien-être et en régénérant la planète pour permettre aux générations futures d’y vivre.
Aujourd’hui, et sous la pression des ONG et du marché, de plus en plus d’entreprises privées se rendent compte qu’elles ne peuvent plus ignorer l’environnement socio-économique dans lequel elles évoluent, et cela pour différentes raisons qui peuvent aller du désir d’améliorer leur image de marque et leur réputation sur le marché à une véritable volonté de participer au développement durable de la planète. Un premier niveau d’engagement sociétal est souvent recherché par les entreprises à travers la mise en place d’une démarche de responsabilité sociale (RSE). Cela consiste en général à maximiser les impacts positifs et à minimiser les impacts négatifs sur l’ensemble de ses parties prenantes au niveau des trois dimensions du développement durable : économique, sociale et environnementale. Certaines entreprises vont jusqu’à la création d’une fondation d’entreprise en lui dédiant, et de manière systématique, une partie de leurs revenues en faveur d’actions sociales et environnementales. Toutefois, ces démarches restent le plus souvent au niveau de la mise en conformité et ne touchent en général pas le cœur de métier de l’entreprise.
Afin de standardiser le concept et éviter certaines confusions potentielles, la norme ISO 26 000 est venu définir la notion de responsabilité sociale en précisant que c’est « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui 1) contribue au développement durable, à la santé et au bien-être de la société, 2) prend en compte les attentes des parties prenantes, 3) respecte les lois en vigueur tout en étant en cohérence avec les normes internationales de comportement, et 4) qui est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations au sein de la sphère d’influence ».
L’ISO 26 000 a également défini les questions centrales de la responsabilité sociétale des entreprises et qui s’articulent autour de 7 axes :
Le développement durable comme opportunité de croissance
La démarche RSE est encore à ses débuts en Afrique. Mais plusieurs facteurs indiquent que le processus est en cours d’accélération. Le premier facteur s’articule autour des exigences de plus en plus fortes des institutions internationales en termes de RSE : Principes directeurs de l’OCDE, Pacte mondial de l’ONU, ISO 26 000, Principes de l’investissement responsable, Déclaration tripartite de l’Organisation internationale du travail, Global Reporting Initiative. Le deuxième a trait aux exigences des marchés : Dans le domaine agroalimentaire, les labels de référence sont Bio, Equitable, Nature & Progrès, Demeter, Fairtrade Max Havelaar… Dans la filière forestière, la norme qui s’impose le plus est le FSC (Forest Stewardship Council).
Aujourd’hui, dans un contexte de mondialisation où la conquête de nouveaux marchés exacerbe la concurrence, et avec la pression exercée par les ONG internationales et la société civile, il serait difficile pour les multinationales d’échapper aux exigences de la RSE. Mieux encore, toutes les chaines de valeur des multinationales, filiales et fournisseurs africains compris, doivent être conformes aux exigences de la RSE, avec obligation de publier des rapports extra-financiers sur leurs actions sociales et environnementales. A ce propos, l’OCDE a publié quelques recommandations pour aider les fournisseurs locaux à respecter les normes de la RSE.
Si pour le courant de pensée libéral, la RSE reste une obligation imposée par des parties prenantes extérieures à l’entreprise: la société civile, les médias, les politiques. Pour Michael Porter, le capitalisme est en crise, et les entreprises sont perçues comme des acteurs égoïstes prospérant au détriment de leur environnement naturel et humain. Au lieu d’attendre d’être taxée pour ses «externalités négatives», Porter pense que l’entreprise devrait « internaliser » ces effets en se fixant, au même rang que ses autres objectifs stratégiques, des finalités en matière de bien-être des populations voisines de ses établissements, d’éducation, de protection de la nature, de développement individuel de ses salariés. Les entreprises peuvent créer de la valeur économique tout en créant de la valeur sociétale.
Malgré quelques réticences au niveau de certaines entreprises, les exigences du développement durable et de la RSE ne sont plus vues comme une contrainte par les multinationales mais beaucoup plus comme une opportunité. Comme l’a fait remarquer Nidumolu dans son fameux article publié dans la Harvard Business Review en 2009, la durabilité est aujourd’hui un moteur essentiel pour l’innovation ; seules les entreprises qui intègreront la durabilité dans leur business model pourront être compétitives à l’avenir. Cela est de bon augure pour l’Afrique, encore faut-il avoir des Etats, des entreprises et des sociétés civiles à la hauteur des ambitions du continent !