Dans son dernier discours, à l’occasion de la Fête du Trône en 2014, SM le Roi Mohamed VI a initié la réflexion autour du capital immatériel du Maroc. Son omission dans les calculs des grandes variables macroéconomiques ne permet pas au royaume de percevoir sa vraie richesse et sa véritable valeur dans l’environnement régional et mondial. Il faut aussi noter que cette omission valable pour les pays s’applique bien aussi souvent aux entreprises qui négligent la prise en compte de leur actif immatériel dans leur processus de valorisation.
A l’occasion de la conférence de présentation des trophées des marques marocaines « Morocco Awards 2015 », le groupe Le Matin a organisé jeudi 02 avril 2015 au siège de l’OMPIC une conférence sous le thème : « La propriété industrielle, un actif immatériel au service de la croissance des entreprises ». Cette conférence a connu la participation d’intervenants de renommée, ayant développé une expertise sur les problématiques liées au capital immatériel et à son importance dans la valorisation des actifs pays et entreprises.
Dr. Carol Corrado, directeur de recherche et conseillère en économie auprès du gouvernement américain, a réaffirmé l’importance économique de mesurer l’intangible, dans une analyse à la fois globale et exhaustive. Le calcul de la valeur immatérielle d’une organisation est en effet basé sur une perception futuriste des atouts qu’une entreprise est amenée à développer et à incarner dans l’avenir. Autrement dit, il est question de la valorisation d’un potentiel auquel des investissements vont donner vie.
Dans un travail réalisé en 2006, Dr. Corrado a mis en place, conjointement avec Charles Hulten et Daniel Sichel, le « Corrado-Hulten-Sichel Framework », un canevas de modélisation et de valorisation des actifs immatériels en entreprise. Ce canevas permet notamment de distinguer les types d’investissements dans l’intangible et se structure comme suit :
Catégories | Type d’investissement |
Capital informatique | Logiciels Bases de données |
Capital innovant | R&D Exploration minière Copyright et licences Originaux de l’industrie du spectacle et de l’entertainment Autres développements de produits |
Compétences économiques | Image de marque et réputation Formation, expertise, capital humain Capital organisationnel |
L’innovation et la R&D participent à augmenter et affiner notre perception vis-à-vis de la valeur immatérielle perçue. M. Ahmed Bounfour, professeur à l’Université Paris-Sud et titulaire de la Chaire Européenne de Management de l’Immatériel, a mis l’accent sur la contribution des investissements immatériels à la création des richesses et redéfinit l’innovation comme une spirale ascensionnelle au profit du développement. L’immatériel est au cœur du dispositif et les statistiques ont démontré que des investissements importants dans les actifs immatériels d’une organisation permettaient d’augmenter tout autant sa valeur marchande que la productivité de ses salariés (dans un cercle vertueux où les investissements dans l’immatériel favoriseraient l’innovation donc la hausse de la productivité). Le sujet revêt donc une importance cruciale pour les décideurs économiques et politiques car l’immatériel est riche de potentialités et est au cœur du positionnement d’un pays ou d’une organisation pour demain.
M. Ahmed Rahhou, PDG de CIH Bank et membre du Conseil Economique, Social et Environnemental, a lui décrit le capital immatériel comme une perception externe sur la valeur et la richesse développée en interne par une organisation, qui explique le gap qu’il peut y avoir entre la valeur bilancielle d’une entreprise et sa valeur en bourse. Quel prix une organisation serait-elle prête à payer pour acquérir sa propre marque ? La réponse à cette question permettrait d’estimer la valeur immatérielle d’une organisation, que des travaux de recherche estiment en moyenne à 80% de sa valeur totale. Les valeurs boursières des entreprises les plus stables permettent d’évaluer la confiance placée par les investisseurs dans une organisation. Cette confiance repose sur une succession de facteurs relatifs à un potentiel de richesse que l’organisation est susceptible de générer dans le futur, sur la base principalement de ses actifs immatériels (puissance de sa marque, pertinence de sa vision, expertise de son staff, etc.). Il est donc dans l’intérêt d’une organisation de communiquer sur ce qu’elle est, sur ses actifs matériels comme immatériels, afin de construire la confiance des investisseurs.
Monsieur Rahhou est aussi revenu sur le fait que l’organisation détenant la marque la plus forte au sein d’une chaîne de valeur est aussi l’organisation qui va capter la plus forte part du revenu généré par la chaîne de valeur. Ainsi, les marques textiles restent les grands gagnants de la chaîne de production, et retiennent plus de revenus que tous les autres intervenants (détenteurs des stocks ou des moyens de production).
M. Mounir Jazouli, président du Groupement des Annonceurs du Maroc, a inscrit le processus d’évaluation de l’immatériel comme une des nouvelles missions confiées aux marketeurs, en partenariat avec les financiers. Les deux fonctions sont aujourd’hui contraintes de travailler en étroite collaboration afin que les investissements immatériels (notamment dans le développement de l’image de marque) soient opérés au profit du développement de la valeur globale de l’organisation.
Adil Maliki, Directeur Général de l’OMPIC, a enfin annoncé une série de statistiques extrêmement positives et optimistes sur la dynamique marocaine dans les champs des actifs immatériels : le Maroc se classe ainsi à la 22e place mondiale en termes de dépôts de marques rapportés au PIB, et à la 63e place mondiale en termes de dépôts de brevets rapportés au PIB. Monsieur Maliki a pour finir présenter la tenue d’une grande étude sur les 50 premières marques marocaines, en partenariat avec le cabinet international BrandFinance. Les résultats de cette étude seront dévoilés en mai 2015.